Entretien avec la Présidente du Conseil national

02/09/2021

Découvrez l'interview de Sophie Jonval dans le dernier bulletin de l'IFPPC


IFPPC N°70 • Août-Octobre 2021

 

Par Sophie JONVAL, Présidente du Conseil National des greffiers des tribunaux de commerce

 

Quelle est la tendance des défaillances d’entreprises au pemier semestre 2021 et quelle analyse en faites-vous ?


Le déconfinement progressif engagé par le Gouvernement, depuis le 19 mai 2021, a permis de débrider la consommation des ménages et d’amorcer un vif redémarrage de l’activité économique.


Par sa position, notre profession est le témoin direct de l’impact de la crise sanitaire sur les entreprises. Les chiffres issus des données des greffes n’ont jamais été autant attendus.


Au cours du premier semestre, l’activité a moins souffert des nouvelles restrictions mais demeure fortement dépendante de la situation sanitaire du pays et plus spécialement de l’avancement de la campagne de vaccination face à la menace de la propagation du variant delta.


Alors que nous craignions jusqu'ici de voir déferler une vague de procédures collectives, nous observons qu'un nombre croissant de chefs d'entreprises choisissent de mettre volontairement fin à leur activité.


S'il est encore tôt pour dresser des conclusions sur l'impact de la crise sur notre économie, une chose est sûre : la transformation de notre tissu entrepreneurial s'accélère et se confirme dans le temps.


Pour accompagner ces mutations, nous devons trouver un juste équilibre entre innovation, agilité, confiance et sécurité. C'est là toute la vision de la justice commerciale portée par les greffiers des tribunaux de commerce.


Vous avez récemment communiqué sur une hausse des radiations amiables, quels en sont les chiffres et qu’en pensez-vous ?


Le dernier baromètre des entreprises du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, visant à mesurer les effets de la crise sanitaire sur le tissu entrepreneurial français au cours du 1er semestre 2021, met en lumière un pic de radiations d’entreprises enregistré sous l’effet de la crise du covid-19.


Entre le 1er janvier et 30 juin 2021, 131 412 entreprises ont été radiées du Registre du Commerce et des Sociétés, soit une progression de plus de 27 % par rapport à la même période de 2020 et de 1,5 % vs. 2019.


La hausse la plus importante en volume concerne les radiations volontaires (69 609 radiations sur la période 1er janvier au 30 juin 2021), avec près de 17 000 fermetures supplémentaires (+32% à un an d’intervalle). Les radiations à la suite d’une procédure collective sont, quant à elles, assez stables avec une augmentation de seulement 2% (38 818 radiations font suite à une procédure collective).


Si l'augmentation des radiations d'entreprise est observée sur l'ensemble du territoire, certaines régions sont plus durement touchées que d'autres : le nombre d'entreprises radiées dans les Hauts-de-France est ainsi quasiment multiplié par deux par rapport au premier semestre 2020, quand il croît de plus d'un tiers dans l'ouest de la France (Pays de la Loire et Nouvelle-Aquitaine).


Face aux incertitudes liées à la pandémie et au maintien des dispositifs de soutien, certaines entreprises se retrouvent contraintes de disparaître brutalement sans passer par l’ouverture d’une procédure leur permettant de faire face à leurs difficultés. Ces entreprises sont légèrement plus âgées qu’à l’accoutumée (12 ans) et surreprésentées dans les secteurs traditionnels de l’économie (immobilier, commerce, restauration…) mais aussi dans ceux ayant le vent en poupe actuellement (transport, digital…).


Pouvez-vous nous dire comment se passe le déploiement de la Marketplace et quels sont les premiers retours sur son activité ?


Les greffiers des tribunaux de commerce ont lancé au printemps 2021 la Marketplace Infogreffe – une plateforme de mise en relation, en toute confiance, entre le cédant d’une entreprise et les repreneurs ou les investisseurs.


Elle constitue un outil supplémentaire au service de l’énergie entrepreneuriale française et répond utilement aux enjeux actuels de notre économie.


Proche des acteurs économiques, la profession est en effet idéalement placée pour aider à la reprise ou à la création d’entreprise, à la recherche de partenaires ou d’investisseurs.


Accessible de manière totalement sécurisée grâce au service d’authentification MonIdenum, qui permet de se connecter à son espace personnel en quelques clic, la Marketplace Infogreffe répertorie grâce à de nombreux critères chiffrés et qualitatifs des offres de cession déposées par les cédants et les entrepreneurs en quête de partenaires et d’associés, ou bien encore par les administrateurs et mandataires judiciaires.


Depuis son lancement fin avril dernier, la Marketplace a reçu un accueil positif (ex : le Medef, la CCI, la chambre des métiers et d’autres associations oeuvrant pour la transmission) et se met en place progressivement. On compte déjà 1.500 abonnés et des partenariats sont en cours. Une trentaine d’annonces déposées concernent environs 1.200 entreprises en redressement judiciaire. Dès septembre, sera également possible l’ajout des fonds et actifs en liquidation judiciaire par les administrateurs et mandataires judiciaires.


Pouvez-vous nous présenter les outils mis en place par les greffes des tribunaux de commerce afin d’accompagner les entreprises en difficulté ?


Le dispositif législatif et réglementaire est très complet en France mais les chefs d’entreprise hésitent encore à pousser la porte du tribunal de commerce. Pour pouvoir agir le plus en amont possible des difficultés, il est nécessaire que les dirigeants connaissent les dispositifs mis à leur disposition pour les aider.


Les greffiers des tribunaux de commerce sont en contact direct avec les chefs d’entreprise sur l’ensemble du territoire, que ce soit pour l'accomplissement de leurs formalités que dans le cadre judiciaire.


Depuis le début de la crise, la profession n’a cessé d’inciter les chefs d’entreprise à recourir le plus tôt possible aux procédures préventives pour trouver des solutions amiables avec leurs créanciers.


Grâce aux outils numériques de prévention développés par les greffiers des tribunaux de commerce, le chef d’entreprise peut désormais évaluer depuis son domicile, gratuitement et en toute confidentialité, l’état de santé de son entreprise grâce à l’auto-diagnostic.


Cet indicateur de performance assure une analyse scientifique, fondée sur des algorithmes d’intelligence artificielle, des données détenues par les greffes. La note obtenue tient compte de l’historique et de la situation propre à la société ainsi que de la conjoncture économique du secteur. Par ailleurs, en plus de l’indicateur de performance, l’outil permet également de fournir pour chaque note, un niveau de risque associé ainsi qu’une probabilité de défaillance sur une échelle de temps.


En plus d’être alerté en amont, l’entrepreneur peut demander à être accompagné par des professionnels du chiffre et du droit tels que les experts comptables, les avocats, etc. Il peut engager des actions telles que le bénéfice d’une procédure amiable (mandat ad-hoc, conciliation…).

La prévention des difficultés des entreprises peut ainsi être considérablement améliorée de façon proactive en plaçant le chef d’entreprise au coeur du dispositif.

L’indicateur de performance couvre aujourd’hui près de deux millions d’entreprises. Cet outil s’adresse en premier aux TPE-PME dont la santé financière a été très impactée par la crise sanitaire.

Les greffiers s’appuient au quotidien sur les solutions dématérialisées développées avec le concours du GIE Infogreffe :

prevention.infogreffe.fr : questionnaire en ligne permettant au chef d’entreprise d’évaluer sa situation et d’être dirigé vers des solutions adaptées.

prevention@tribunal-de-commerce.fr : adresse e-mail dédiée pour demander un entretien de prévention avec le président du tribunal de commerce de son ressort.

infogreffe.fr : les chefs d'entreprise et les professionnels peuvent accéder à toute l'information légale issue du Registre du commerce et des sociétés, mais aussi effectuer en ligne l'ensemble de leurs formalités RCS : dépôts d'actes et de comptes annuels, déclaration du bénéficiaire effectif, immatriculation, commandes de documents, etc.

MonIdenum (monidenum.fr) : identité numérique permettant l’accès gratuitement à différents services. Le chef d’entreprise, une fois connecté, peut obtenir son Kbis numérique, son indicateur de performance et peut ainsi anticiper les difficultés et solliciter des mesures de nature à préserver son outil de travail.

À terme, MonIdenum a vocation à permettre aux chefs d'entreprise et à leurs représentants légaux de s'identifier sur des plateformes tierces, et d'accéder ainsi à un panel élargi de services en ligne.

Tribunal digital (tribunaldigital.fr) : nouvelle porte d’accès à la justice commerciale. Depuis avril 2019, les justiciables peuvent saisir en ligne leur tribunal de commerce et suivre leurs dossiers et procédures en cours. Pour prévenir leurs difficultés, les entreprises peuvent solliciter un entretien avec le président du tribunal de commerce, ou bien encore demander l’ouverture d’un mandat ad hoc ou d’une conciliation. En offrant aux entrepreneurs la possibilité de saisir le tribunal de commerce en quelques clics, le Tribunal Digital renforce leur capacité à agir pour défendre leurs droits, également en cas d’impayés ou de retards de paiement.


Les personnels des études des mandataires de justice et des greffes des tribunaux de commerce seront bientôt sous la même convention collective, pourquoi cette démarche d’union est-elle importante d’après vous ?


Nous attachons une importance particulière aux relations sociales avec nos collaborateurs.

Les différentes réformes du monde du travail, la spécificité de nos professions et des missions de service public que nous assurons ont amené nos trois Professions Réglementées Auprès des Juridictions (PRAJ) à savoir les greffiers des tribunaux de commerce, les administrateurs et mandataires judiciaires et les avocats aux conseils à travailler sur un projet de convention collective commune.


Ainsi, depuis plus de deux ans, les syndicats patronaux et les organisations de salariés de nos professions ont mené des discussions pour élaborer un texte qui puisse être accepté par l’ensemble des parties. Je voudrais ici exprimer ma reconnaissance aux acteurs concernés pour le travail qui a été accompli.

La signature de cette nouvelle convention collective est en cours et elle entrera en vigueur dans le courant de l’année 2022.

D’autres dossiers comme celui de l’assurance maladie complémentaire sont également à l’ordre du jour des prochaines négociations.

 

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